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- TÉMOIGNAGES SUR LA
RÉFORME DE L'ORTHOGRAPHE
- (L'École
libératrice n° 19, du 20 février
1988)

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- POUR LA REFORME:
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- «Le but que vous vous proposez m'intéresse
à plus d'un titre: j'enseigne moi-même le
français dans un collège et je l'ai
enseigné à l'étranger; j'ai eu des
difficultés avec l'orthographe quand j'étais
petit, et mes propres enfants continuent dans cette voie;
connaissant bien l'allemand, j'apprécie sa claire
graphie; lisant actuellement l'ouvrage L'Orthographe
française de Nina Catach (Nathan), je regrette comme
elle qu"' un enfant de 8 ans, en Espagne, en Italie, dans la
plupart des pays qui nous entourent, écrit à sa
grand-mère sans problèmes; tel n'est pas le cas
en France, même à quinze ans parfois "...
Supprimer les lettres grecques: oui ! Si on ne devait faire
qu'une chose, ce serait celle-là ! L'espagnol et
l'italien le font depuis longtemps, tout en étant des
idiomes fort respectables et compréhensibles.»
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- . «Notre langue est un outil de travail. Il n'est pas
pensable de travailler avec des outils, ou machines, n'ayant
pas évolué depuis plus de cent ans. Simplifier
l'orthographe apporte une amélioration notable à
notre langue.»
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- «Quelle malédiction a donc frappé le
peuple le plus spirituel de la terre pour affliger sa langue
d'une orthographe si consternante, si rebelle à la
logique et si hostile à la règle ? L'orthographe
française semble issue en droite ligne du diabolique
univers Shadock dont le principe de base: " Pourquoi faire
simple quand on peut faire compliqué?", est ici
appliqué dans toute sa rigueur... Comment se peut-il que
personne n'ait exprimé sa gêne devant le fait que
tant de gens cultivés, artistes, journalistes ou
écrivains, ne puissent arriver à rendre une copie
sans faute (dans les championnats Pivot) alors que l'exercice
consiste seulement à écrire des mots de sa langue
maternelle? Que dirait-on si des mathématiciens (et des
scientifiques de haut niveau) n'arrivaient pas à
calculer sans erreur une série d'additions et de
soustractions ?...
- Tournons nos regards vers les élèves,
concernés en priorité, puisque étant en
première ligne. C'est finalement dans leurs rangs que la
sagesse a trouvé refuge. Dans leur grande
majorité, ils éprouvent pour l'orthographe un
sentiment qui va de l'indifférence polie au
mépris le plus complet.»
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- «L'anglais, langue véhiculaire du
troisième millénaire, dépourvu
d'accentuation, a donné le code ASCII en informatique.
C'est le code qui s'est imposé et que l'on trouve dans
tous les ordinateurs et imprimantes. Le classement
alphabétique de l'anglais n'a rien à voir avec le
nôtre. Essayez un tri alphabétique en minuscule
avec des mots comprenant des é, è, ê,
ç, ù, etc. Certains ignorent que le é se
trouve après le z dans le code ASCII, ainsi zèbre
se trouve avant émail, élève: logique, non
! Mais cela donne quelques surprises. Ne parlons pas de la
configuration des imprimantes. Ni de la conception des
logiciels ou de leur traduction: un véritable
casse-tête pour les programmeurs qui passent des mois
à récrire un logiciel américain et
à le restructurer entièrement au prix de pires
difficultés... Quand il fonctionne correctement encore
!»
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- «Le plus grand malheur nous échoit au XVIº
siècle avec l'abominable homme de lettres Robert
Estienne et ses redoublements de consonnes, ce qui nous vaut
les stupidités et contradictions connues, telles que: la
colonne du colonel, I'homicide de l'homme traqué, sans
parler de la combativité du combattant et sa
légion d'honneur peu honorée, le courrier du
coureur, le chien pataud et le pigeon pattu, etc., que trouvent
normales, voire délicieusement insolites, les
imbéciles avec un seul l attachés à ces
imbécillités avec deux (exemples empruntés
à Hervé Bazin: Plumons l'oiseau).»
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- «Je souligne aussi qu'à mon avis l'orthographe
française et sa plus ou moins bonne maîtrise par
les locuteurs francophones est un facteur de maintien durable
des inégalités sociales et de la difficile
intégration de certains immigrés dans l'Hexagone.
L'orthographe est un des instruments de la différence
des classes sociales; sa simplification est donc un cheval de
bataille susceptible de bousculer bien des
barricades.»
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- «Mais peut-être que la réforme est
déjà faite et qu'on feint de l'ignorer: autrefois
avec cinq " fautes" on n'avait pas le certificat. Aujourd'hui,
avec 20 " fautes" dans une dissertation, on peut quand
même avoir le bac et poursuivre ses
études.»
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- «J'estime que dépoussiérer, mettre un
peu d'ordre et de logique dans les traits d'union, les
redoublements de consonnes ou les pluriels ne serait
probablement pas inutile. Je ne suis pas ennemi d'une petite
réforme de l'orthographe. Je l'ai dit, je l'ai
écrit. Mettre un peu d'ordre dans les traits d'union,
dans les redoublements de consonnes, dans les accents
circonflexes, dans certains pluriels ne serait pas une atteinte
à la langue française.» (Bernard Pivot,
France- Soir).
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- «Mes dictées, dans lesquelles je prends le
français tel qu'il s'écrit, permettent de faire
comprendre les embrouillaminis de la langue
française.» (Bernard Pivot)
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- «Je suis un défenseur de la langue
française. Je fais du théâtre pour cela...
L'orthographe, c'est le costume de la langue et ce costume doit
varier. On ne peut plus porter les costumes du XIXº
siècle. Toute réforme ... devra passer ... par la
simplification de l'orthographe.» (Francis Huster)
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- CONTRE LA REFORME:
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- «Je ne sais pas si la simplification (le mot
réforme fait peur) passera par le monde enseignant: on a
souffert avec les dictées, je ne vois pas pourquoi les
autres ne souffriraient pas, ou moins... Les
élèves n'ont qu'à travailler. Ça
entretient la mémoire (sic). C'est amusant d'apprendre
par coeur des listes d'exceptions, ça plaît aux
enfants (sic).»
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- «Ne touchez pas à la langue française.
Depuis quand ceux qui maîtrisent l'orthographe (j'en
suis) doivent-ils se mettre au diapason de ceux qui ne la
maîtrisent pas?»
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- «La simplicité en matière d'orthographe
est une fausse solution qui ne mène à rien. On
pourrait aussi commencer l'étude de l'histoire par le
premier septennat de Mitterrand. Ou même supprimer les
instituteurs pour laisser les enfants face au grand livre de la
nature ! Et puis à quoi bon apprendre la
géographie ? A quoi ça sert de savoir où
sont les Malouines ?...»
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- «On dirait que les gosses d'aujourd'hui ne savent
plus. Quand j'étais au niveau du certificat
d'études, j'en savais plus que ceux qui ont le bac
aujourd'hui. Quand j'ai lu les copies du bac de mes enfants,
j'étais écroulé de honte. Il n'y a pas de
raison que ce soit plus dur pour eux que pour nous»
(Pierre Perret)
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- «S'ils veulent réformer l'orthographe, c'est
parce qu'ils ne la connaissent pas ! C'est bizarre, il y a
cinquante ans, les enfants n'avaient pas de difficultés
à l'apprendre ! De toute façon, il y a des choses
plus importantes que la réforme de l'orthographe ! On
ferait mieux de réformer le tri postal. Clemenceau
disait: " La guerre est une chose trop grave pour la confier
aux militaires. " De même, I'orthographe est une chose
trop grave pour la confier aux instituteurs. L'orthographe
n'est leur affaire que pour l'enseigner, c'est-à-dire
obéir à des ordres donnés par le grand
état-major de la littérature française qui
dirige les opérations depuis Louis XIII et qui,
semble-t-il, est assez compétent. En matière de
langage, il n'y a que deux catégories de gens qui ont le
droit d'exprimer leur avis: les écrivains et le
peuple.»
- «J'avais l'instinct de l'orthographe française
et, aussi loin que je me souvienne, j'ai écrit sans
fautes.»
- «L'orthographe est quelque chose d'aussi
intrinsèque à la France que son langage, que son
histoire: elle a évolué dans le même
mystère. Je ne sais quel atavisme, lorsque j'avais huit
ans, m'empêchait de me tromper sur des mots difficiles
comme abbaye ou chanfrein.»
- «A qui profitera une réforme simplificatrice de
l'orthographe ? Évidemment aux ignorants. Mais
qu'importe que les ignorants fassent des fautes? Ils en ont
toujours fait et on ne leur coupe pas la tête pour
cela.»
- (Jean Dutourd).
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- «Alors, de deux choses l'une, ou peut-être les
deux choses à la fois: ils ne savent pas eux-mêmes
l'orthographe ou ils ne savent pas l'enseigner. Ce n'est donc
pas l'orthographe qu'il faut réformer mais la formation
des instituteurs.»
- (Maurice Druon).
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- «L'orthographe reflète l'histoire des mots,
leur sens, leurs rapports de syntaxe.» (J de Romilly)
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- «Simplifier signifierait couper notre langue de ses
racines grecques, latines tout autant qu'anglo-saxonnes.»
(Guy Bayet).
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- «L'orthographe n'a pas été
inventés au petit bonheur la chance, les
étymologies sont très importantes.» (Pierre
Perret).
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- «L'orthographe a une grande importance puisque, pour
bien connaître le sens des mots, il faut autant que
possible savoir leur origine, c'est-à-dire leurs racines
latines ou grecques. C'est l'orthographe qui la marque. Vouloir
supprimer le «ph» pour le remplacer par le
«f», c'est ne plus tenir compte de l'origine grecque
d'un terme et être moins certain de sa
signification.» (Maurice Druon).
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- «Un peuple qui perd son orthographe perd sa
mémoire et son intelligence.» (Philippe de
Villiers).
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- «Il y a dans les mots une euphonie, un certain
mystère, un dessin. Le dessin d'un mot est très
important.» (André Frossard).
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- «Je crois profondément que les mots ont une
espèce d'harmonie.» (Félicien Marceau).
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- «Mais se passer de l'accent circonflexe, non ! Il est
indispensable et extrêmement joli. Supprimer les
orthographes d'inspiration grecque ? Le professeur de grec que
j'ai été est indigné. Ces «ph»
et «rh» donnent un charme fantastique à la
langue française.» (Paul Guth).
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- «Je pense que l'orthographe et la connaissance
précise de la grammaire sont à la base de tout.
La difficulté de l'orthographe est un défi pour
l'intelligence et c'est un exercice salutaire pour
l'esprit.» (Jean-Louis Curtis).
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- .«L'orthographe n'est pas un mode de sélection.
Quant à affirmer que l'orthographe telle qu'elle a cours
aujourd'hui met en difficulté les élèves
issus des classes culturelles défavorisées, ce
n'est qu'absurdité et pure démagogie.» (Guy
Bayet).
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- «Et que l'on ne vienne pas me dire que notre
orthographe doit être allégée parce qu'elle
est la cause de difficultés pour les
élèves issus de familles peu cultivées !
Mon père était mécano, ma
grand-mère illettrée. Est-ce que cela m'a
empêché de devenir, à vingt-trois ans, I'un
des plus jeunes agrégés de France ?.» (Paul
Guth)
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Last modified: 21-Mar-00