- ANECDOTES
SUR JEAN FRÉRON
- ÉCRITES PAR UN
HOMME DE LETTRES
- A UN MAGISTRAT QUI VOULAIT
ÊTRE INSTRUIT
- DES MOEURS DE CET
HOMME
- (1761)
-
- NOTICE: Ce doit
être des Anecdotes sur Fréron que parle
Voltaire dans sa lettre à Thieriot, du 20 auguste 1760,
et dans celle à Damilaville, du 29 du même mois.
Mais ces Anecdotes ne furent imprimées qu'en
1764. Je n'ai pas encore pu voir cette édition, dont
Voltaire avait envoyé onze exemplaires à Le Brun,
à qui il expédia, le 6 février 1761 (voyez
la Correspondance), les exemplaires qui lui restaient.
Une seconde édition, aussi rare que la
première, parut peu de temps après (voyez la
lettre de Voltaire à Le Brun, du 6 avril 1761).
Cependant la Correspondance de Grimm (avril et juin
1770), et les Mémoires secrets, connus sous le
nom de Bachaumont (juillet et août 1770), parlent de
l'édition qui parut alors comme si l'ouvrage
était une nouveauté. L'édition de 1770
fait partie d'une brochure de cin-quante-six pages,
intitulée Dieu, etc. ; les Anecdotes
avaient déjà été
réimprimées l'année
précédente, dans le tome II du recueil en trois
volumes in-8°, ayant pour titre: les Choses utiles et
agréables.
- Voltaire, dans sa lettre
à Le Brun, du 6 février 1761, dit que les
Anecdotes sont du sieur La Harpe; mais, dans une lettre
du 25 février 1777, il déclare avoir reconnu que
« cet ouvrage ne pouvait être ni de M. de La Harpe,
ni d'aucun homme de lettres ».
- Les Mémoires
secrets, du 3 septembre 1770, annoncent « qu'on
reconnaît parfaitement M. de Voltaire au style, et
à ce talent particulier qu'il a pour dire des injures
». C'est aussi l'opinion de Grimm . Il est
aisé, dit-il, de reconnaître la
main.
- Il paraît que les
Anecdotes sur Fréron firent du bruit en 1777, et
qu'on les attribuait de nouveau à La Harpe; Voltaire lui
en parle dans sa lettre du 8 avril 1777.
- P.-D.-E. Le Brun (tome VI
de ses oeuvres, page 24) regrette de ne pas trouver, dans les
Anecdotes sur Fréron, l'aventure d'une montre
extorquée à Piron, et promet de la donner dans la
Wasprie, qu'il publia en 1761, deux vol. in-12; mais il n'a pas
tenu sa promesse.
- C'est d'après
l'édition de 1770, la dernière qui me soit
connue, que je réimprime les Anecdotes sur
Fréron. Je regrette de n'avoir pu me procurer les
éditions de 1761. Il est à croire toutefois
qu'elles ne peuvent pas fournir de variantes, et que l'auteur
n'y fit pas d'additions, puisqu'il n'a pas fait usage de
l'anecdote de Le Brun
-
-
-
-
- ANECDOTES SUR
FRÉRON.
-
- Élie-Catherin
Fréron est né à Quimper-Corentin ; son
père était orfèvre. Voici un fait qu'on
m'a assuré, mais dont je n'ai pas la certitude: on
prétend que le père de Fréron a
été obligé, plusieurs années avant
sa mort, de quitter sa profession pour avoir mis de l'alliage
plus que de raison dans l'or et l'argent.
- Fréron
commença ses études à Quimper, et fit sa
rhétorique à Paris sous le P. Porée. Un
oncle qu'il avait aux environs de la rue Saint-Jacques lui
donna un asile dans sa maison, et s'en défit en faveur
des jésuites, qui le mirent dans leur noviciat, rue
Pot-de-fer. Ils le nommèrent ensuite régent en
sixième au collège de Louis le Grand. Il y resta
deux ans et demi, et sa conduite ayant trop
éclaté, ils l'envoyèrent à
Alençon, d'où il quitta tout à fait la
société.
- Je me souviens d'avoir
entendu dire à Fréron, au café de Viseux,
rue Mazarine, en présence de quatre ou cinq personnes,
après un dîner où il avait beaucoup bu,
qu'étant jésuite il avait été
l'agent et le patient. Comme je ne veux dire que
ce que je sais bien certainement, je ne rapporterai pas tout ce
qu'on m'a raconté de ses friponneries, vols et
sacrilèges, lorsqu'il portait l'habit de
jésuite.
- Chassé de la
société, Fréron se lia avec l'abbé
Desfontaines, chassé des jésuites comme lui, qui
l'employa à son journal , moyennant vingt-quatre livres
la feuille d'impression: c'était toute sa ressource pour
vivre. Il portait alors le petit collet; et un jour qu'il
était au parterre de la Comédie-Française,
il se prit de paroles avec un avocat; au sortir du parterre on
en vint aux coups; et les deux champions se vautrèrent
dans la boue en présence de six cents
personnes.
- M.d'Estouteville retira
Fréron chez lui, pour l'aider à traduire le chant
des Plaisirs du chevalier Marin . Ils le traduisirent
ensemble; et après la mort de M. d'Estouteville,
Fréron s'attribua l'ouvrage à lui seul. Notez que
Fréron ne sait pas l'italien.
- A peine l'abbé
Desfontaines tomba malade de la maladie dont il est mort, que
Fréron le quitta pour faire des feuilles en son nom. Il
les intitula Lettres d'une comtesse .
- Dès le
troisième ou quatrième cahier de ce nouveau
journal, Fréron eut l'impudence d'attaquer M.
l'abbé de Bernis, sur une pension de mille écus
que lui faisait avoir Mme de Pompadour. Le fruit de cette
insolente plaisanterie fut le séjour de quelques mois
à Vincennes, d'autres disent à Bicêtre, et
un exil de huit mois à Bar-sur-Seine.
- Il revint à Paris,
et je sais que pour vivre il s'était associé avec
des fripons au jeu; qu'ils avaient des dés pipés,
et qu'une nuit ils gagnèrent quarante louis au procureur
Laujon, dans la rue des Cordeliers. Ce fait, ainsi qu'un autre
de cette nature, est rapporté en termes couverts dans
l'Observateur littéraire de l'abbé
Laporte, année 1758, tome II, page 319 .
- En 1719 , Fréron
entreprit un nouveau journal satirique, sous le titre de
Lettres sur quelques écrits de ce temps. Il
s'associa, pour cet ouvrage, un nommé Dutertre, auteur
de l'Histoire des conjurations, d'un
Abrégé de l'histoire d'Angleterre, etc. Ce
Dutertre est mort . Il eut part avec Fréron aux dix
premiers volumes des Lettres sur quelques écrits de
ce temps.
- Ces Lettres ont
été interrompues et reprises plusieurs fois. La
première cause qui les fit interdire est un article
concernant la Vie de Ninon de l'Enclos ; et cet article de
Ninon de l'Enclos fait le commencement du tome VI des Lettres
sur quelques écrits de ce temps. Je ne parle point ici
des querelles de Fréron et de son lâche
procédé avec M. Marmontel: cette histoire est
trop connue, et se trouve imprimée dans la
Bigarrure, en Hollande .
- Dans la
Bigarrure, tome Ier,, pages 147-151, on parle d'une dispute
qui eut lieu au Théâtre-Français (alors rue
des Fossés-Saint-Germain-des-Prés), entre
Marmontel et Fréron, et qui fut immédiatement
suivie d'un duel au carrefour de Bussy, en présence d'un
grand nombre de spectateurs. Ce fut le sujet de beaucoup
d'épigrammes. La Bigarrure s'imprimait en
Hollande, et se distribuait par cahier de huit pages. La
collection forme vingt volumes petit in-8°, de 1749
à 1753. La Nouvelle Bigarrure, qui y fait suite,
a seize volumes, de 1753 à juin 1754.
( .)
- Six mois se
passèrent sans que Fréron pût obtenir la
permission de reprendre ses feuilles. Mais ayant fait beaucoup
de bassesses auprès de Solignac, secrétaire du
roi de Pologne et ex-jésuite comme lui, ce Solignac
persuada à Sa Majesté que Fréron
était persécuté; qu'il mourait de faim;
qu'il avait une femme et des enfants; et qu'enfin Sa
Majesté bienfaisante ne pouvait pas mieux user de
ses bontés qu'envers Fréron. Il l'engagea
à se montrer son protecteur, et Fréron eut le
droit de recommencer ses satires.
- Dans ce temps-là
l'abbé Laporte avait quitté ses feuilles, parce
que ce métier lui paraissait infâme et indigne
d'un littérateur. Fréron vint le trouver, lui
proposa de s'associer avec lui; l'abbé Laporte y
consentit à la fin, à condition qu'il ne mettrait
point son nom, et qu'il ne paraîtrait pas y avoir part.
« Je veux bien, dit Fréron, me charger de tout
l'odieux de la besogne, mais je veux que ce sacrifice de mon
honneur me tienne lieu de travail; ainsi, en faisant le quart
de la feuille, je veux qu'elle me soit payée comme si
j'en avais fait la moitié. » L'abbé Laporte
accepta la proposition, et les voilà, associés.
Il était dit, dans le traité, que le libraire
payerait à l'abbé Laporte le quart de la feuille,
lorsqu'il en aurait fait la moitié, et qu'il payerait la
moitié du prix toute la feuille faite. Comme
c'était le libraire qui payait, l'abbé Laporte
n'a point eu à se plaindre du payement.
- Ils travaillèrent
ainsi pendant quelques mois. Laporte fit l'extrait des
Lettres sur l'histoire par milord Bolingbroke;
Fréron ajouta à cet extrait des
personnalités offensantes contre ce milord. Ceux qui
s'intéressent encore à sa mémoire se
plaignirent: voilà encore les feuilles de Fréron
suspendues.
- Fréron va crier
famine chez le magistrat de la librairie, représente ses
enfants et sa femme nus et mourants de faim; il écrit
à son protecteur Solignac, et on lui rend ses feuilles.
Il les continue jusqu'en 1754, sous le titre de Lettres sur
quelques ecrits de ce temps. Il avait fait un traité
avec le libraire Duchesne. Il traita sous main avec le libraire
Lambert; et, sans se mettre en peine de son marché avec
Duchesne, il ôta ces feuilles à ce dernier. Il y a
un mémoire imprimé où Duchesne se plaint
de cette friponnerie de Fréron .
- Laporte, qui n'avait fait
aucun traité avec Duchesne , n'en fit aucun avec
Lambert, et n'était pour rien dans tout le tripotage; il
ne connaissait pas même Lambert, lorsque Fréron
fit son traité avec ce libraire. Mais comme
l'abbé Laporte devait avoir le quart du produit des
feuilles, il était en droit de demander à voir le
nouveau traité, afin d'exiger ce quart du produit.
Fréron, qui voulait le friponner, fit deux
traités avec son nouveau libraire, l'un secret, et
l'autre ostensible. Le premier portait qu'il recevrait cinq
cents livres par cahier; l'autre ne portait que quatre cents
livres. On montra ce dernier traité à
l'abbé Laporte, et par là on ne lui donnait que
cent francs, tandis que réellement Fréron mettait
dans sa poche vingt-cinq livres qui étaient
destinées à son associé. Il y a eu
quarante cahiers par an: c'est donc de cent pistoles dont
Laporte était lésé. Il n'a su cela
qu'à la fin de l'année; et ce fut la femme du
libraire qui, quelque temps avant que de mourir, lui
révéla cette friponnerie, pressée par un
remords de conscience, disait-elle, qui l'empêchait de
mourir tranquillement.
- Dans les temps des
brouilleries de Lambert avec Fréron, Lambert, qui avait
intérêt de faire connaître les friponneries
de Fréron, fit un mémoire présenté
à M. de Malesherbes, dans lequel ce trait était
rapporté tout au long.
- Les feuilles de
Fréron, en passant de la boutique de Duchesne dans celle
de Lambert, prirent le titre d'Année
littéraire; et comme le nombre des cahiers avait
augmenté , Fréron s'associa d'autres gens de
lettres pour travailler avec lui, parce qu'il n'était
pas en état de faire la moitié de l'ouvrage qui
lui était réservé: car Laporte avait
déclaré qu'il s'en tiendrait à la
moitié de la besogne. Ce fut alors que le nombre des
croupiers de Fréron devint très
considérable.
- A l'exception de quelques
injures grossières dont Fréron lardait les
extraits qu'on lui apportait, tout était de main
étrangère;
- et voici les noms de ces
nouveaux croupiers, avec les extraits qu'ils fournissaient au
journaliste en chef. Je ne parlerai pas des extraits de
l'abbé Laporte; il suffit de dire qu'il a fait
exactement pendant sept ans la moitié de l'ouvrage.
Quant à l'autre moitié, outre M. Dutertre dont
j'ai parlé, MM. de Caux, de Resseguier, Palissot, Bret,
Berland, de Bruix, Dorat, Louis, Bergier, d'Arnaud, Coste,
Blondel, Patte, Poinsinet, Vandermonde, de Rivery, Leroy,
Sedaine, Castillon, Colardeau, Déon de Beaumont,
Gossard, etc. , sont ceux qui y ont le plus
contribué.
- C'est M. de Caux qui a fait
les extraits de toutes les tragédies dont
l'Année littéraire a fait mention,
jusqu'à Iphigénie en Tauride
exclusivement, temps auquel il s'est brouillé avec
Fréron parce que Fréron ne le payait pas. Il a
fait aussi l'extrait des Oeuvres de M. de Lamotte, et de
tous les poètes latins et français dont il est
parlé dans le même ouvrage, jusqu'au temps que je
viens de dire. Le chevalier de Resseguier a pris sa place pour
les poètes français. Il a fait, entre autres
extraits, celui des Poésies de l'abbé de
Lattaignant, en forme de lettre attribuée à
un Breton. J'ignore si le chevalier de Resseguier reçoit
de l'argent. MM. Blondel et Patte faisaient les extraits des
ouvrages d'architecture. Blondel a dirigé l'appartement
de Fréron, qui lui doit encore et ses extraits et son
travail comme architecte. Patte se contentait de quelques
louanges fades pour tout payement. On peut voir dans les
feuilles de cette année comment Patte et Fréron
se sont déshonorés mutuellement au sujet des
planches de l'Encyclopédie. Louis a donné
quelques extraits de livres de chirurgie, non à cause de
Fréron, qui lui a volé un couteau, mais pour
faire plaisir à l'abbé Laporte, son ami,
lorsqu'il travaillait avec Fréron. D'Arnaud a rendu
compte du Discours sur le maréchal de Saxe , qui
a remporté le prix à l'Académie
française en 1759; il a aussi fait quelques extraits de
nos poètes; Palissot a loué
l'Anacréon de son beau-frère Poinsinet, et
critiqué le Jaloux, comédie du sieur Bret;
et celui-ci faisait de son côté l'éloge des
Tuteurs, comédie de Palissot.
- C'est ainsi que
Fréron, qui mettait son nom à tous les extraits,
faisait travailler ses croupiers les uns sur les autres. Il a
un peu travaillé à la critique odieuse du livre
De l'Esprit d'Helvétius. Bergier a fait celle de
l'Ami des hommes, et des Annales de l'abbé de
Saint-Pierre. Poinsinet a loué sa Briséis.
Colardeau a déchiré Marmontel, et toujours sous
le nom de Fréron. Berland a fait l'analyse de sa
traduction du Praedium rusticum du P. Vannière;
Bruix, celle de ses Pensées et Réflexions.
Coste a parlé lui-même de son Voyage d'Espagne
, et cet extrait a fait mettre Fréron à la
Bastille. Ce Coste est un mauvais sujet de Bayonne qui a fait
cent lettres de change à Paris, où il n'ose plus
paraître. Il couchait avec la femme de Fréron, et
faisait mettre de l'argent de ce même Fréron sur
des corsaires c'est le seul ami qu'ait eu Fréron. En
voilà assez; les autres actions de ce polisson sont
assez publiques.
-
-
-
- SUPPLÉMENT
- Les feuilles de
Fréron furent encore suspendues pour avoir
injurié grossièrement quelques
personnes.
- Autre suspension pour avoir
fait paraître sa feuille sans qu'elle ait
été vue par le censeur, lorsqu'il rendit compte
du discours académique de M. d'Alembert. Il avait
éludé le censeur pour pouvoir plus librement
exhaler sa rage contre cet académicien.
- Autre suspension à
l'occasion des Lettres de son ami Coste, dont j'ai
parlé plus haut. Dans l'extrait que Fréron fit de
ses Lettres, il parla, avec une indécence digne
de Bicêtre, de la nation espagnole; il n'alla qu'à
la Bastille.
- Vous demandez ce que c'est
que son mariage avec sa nièce, et son procès avec
sa soeur. Sa nièce est de Quimper-Corentin comme lui;
c'est la fille d'un huissier. Elle vint à Paris, il y a
treize ou quatorze ans, et fut mise en qualité de
servante chez la soeur de Fréron. Je l'ai vue balayer la
rue devant; la boutique de sa tante. Le mauvais traitement
qu'elle recevait chez cette même tante engagea
Fréron, qui demeurait avec sa soeur, à en sortir,
et à prendre avec lui, dans une chambre garnie, rue de
Bussi, la petite fille avec laquelle il était en
commerce; quelque temps après, Fréron prit des
meubles. Sa nièce devint sa gouvernante; il lui fit deux
enfants; pendant la grossesse du second, il se maria par
dispense.
- L'histoire du procès
de Fréron avec sa soeur est très longue et
très compliquée. Le libraire Lambert m'a fait
lire un mémoire manuscrit, très curieux et
très bien fait, où le procès est
plaisamment raconté. Je sais que Lambert conserve
très soigneusement ce manuscrit, et l'abbé
Laporte en a parlé dans l'Observateur
littéraire (1760, t. I, p 177) il rapporte le sujet
de ce procès . La soeur de Fréron est
fripière; son enseigne est Au riche Laboureur;
pour faire niche à son frère, qu'elle
déteste bien cordialement, elle m'a dit qu'elle allait
mettre une enseigne d'habits et de meubles sur sa boutique,
avec ces mots: A L'ANNÉE FRIPIÈRE
FRÉRON.
- Laporte, sans nommer
Fréron, parle d'un écrivain qui « fut
prié de tenir l'enfant de sa soeur sur les fonts de
baptême. Il fit venir du cabaret, à crédit,
le vin du repas qui devait suivre la cérémonie.
Il en but trop, selon sa coutume, s'enivra, injuria les
convives, et se brouilla avec l'accouchée,
prétendant que c'était à elle à
payer le vin. Le marchand ne veut connaitre que celui qui l'a
fait venir, et en exige le payement. Voilà la
matière d'un procès qui dure depuis douze ans
». ( .)
- L'abbé Laporte ne
valait pas mieux que Fréron, selon Grimm. C'est lui qui
avait fabriqué ces Anecdotes, qu'il avait remises
à Thieriot, lequel les avait adressées à
Voltaire.
- Fréron a fait faire
il y a douze à quatorze ans deux cents paires de
souliers pour envoyer aux îles; l'envoi a
été fait effectivement; il en a reçu
l'argent, et il le doit encore au cordonnier.
- J'ai ouï dire à
un procureur du Châtelet qu'il n'y avait pas de semaine
qu'on n'appelât à l'audience quelque procès
de ce Fréron, etc., etc.
-
- NOTE.
-
- Celui qui a daigné
faire imprimer cet écrit tombé entre ses mains a
voulu seulement faire rougir ceux qui ont protégé
un coquin et ceux qui ont fait quelque attention à ses
feuilles. si on parle, dans l'histoire naturelle, des aigles et
des rossignols, on y parle aussi des crapauds.
- Il est nécessaire
que ces infamies soient constatées par le
témoignage de tous ceux qui sont cités dans cet
écrit; ils ne doivent pas le refuser à la
vengeance publique.
-
-
-
- COPIE DE LA
LETTRE DE M. ROYOU,
- AVOCAT AU
PARLEMENT DE RENNES,
- MARDI MATIN, 6 MARS 1770
.
- « Fréron,
auteur de l'Année littéraire, est mon
cousin, et, malheureusement pour ma soeur, pour moi et pour
toute la famille, mon beau-frère depuis trois
ans.
- « Mon père,
subdélégué et sénéchal du
Pont-l'Abbé, à trois lieues de Quimper-Corentin,
en Basse-Bretagne, quoique dans une situation aisée,
n'étant pas riche, ne donna à sa fille que vingt
mille livres de dot. Trois jours après les noces, M.
Fréron jugea à propos d'aller à Brest,
où il dissipa cette somme avec des
bateleuses.
- « Il revint chez son
beau-père pour donner à ma soeur, sa femme, un
très mauvais présent, et demander en grâce
de quoi se rendre à Paris. Mon père fut assez
bon, ou plutôt assez faible pour donner encore mille
écus... Il était alors à Lorient et
quoiqu'il reçut cette nouvelle somme par lettre de
change, il ne put se rendre qu'à Alençon, et fit
le reste de la route jusqu'à Paris comme les capucins,
et ne donna pour toute voiture à sa femme qu'une place
sur un peu de paille dans le panier de la voiture
publique.
- « Arrivé
à Paris, il n'en agit pas mieux avec elle. Ma soeur,
après deux ans de patience, se plaignit à mon
père, qui m'ordonna de me rendre incessamment à
Paris pour m'informer si ma soeur était aussi
cruellement traitée qu'elle le lui marquait. Alors
Fréron chercha et tenta tous les moyens de me perdre. Il
sut que, pendant les troubles du parlement de Bretagne,
où je militais depuis plusieurs années en
qualité d'avocat, j'ai montré un zèle
vraiment patriotique et toute la fermeté d'un bon
citoyen.
- « Comme il faisait le
métier d'espion, il ne négligea rien pour
obtenir, par le moyen de..., une lettre de cachet pour me faire
renfermer.
- « Fréron, qui
voulait être à la fois ma partie, mon
témoin et mon bourreau, vint en personne, escorté
d'un commissaire et de neuf à dix manants,
m'arrêter dans mon appartement à Paris, rue des
Noyers. Il me fit traiter de la manière la plus barbare,
et conduire au petit Châtelet, où je passai, dans
le fond d'un cachot, la nuit du dimanche au lundi de la
Pentecôte. Le lundi, Fréron se rendit, environ les
dix heures du matin, avec ses affiliés, au petit
Châtelet. Il me fit charger de chaînes et conduire
à ma destination. Il était à
côté de moi dans un fiacre, et tenait
lui-même les chaînes, etc., etc.
- On nous a communiqué
l'original de cette lettre, signée Royou. Ce n'est pas
à nous de discuter si le sieur Royou a été
coupable ou non envers le gouvernement; mais quand même
il eût été criminel, c'est toujours le
procédé du plus lâche et du plus
détestable coquin, de faire le métier d'archer
pour arrêter et pour garrotter son
beau-frère.
- C'est pourtant ce
misérable qui a contrefait l'homme de lettres, et qui a
trouvé des protecteurs quand il a fallu
déshonorer la littérature.
- On lui a donné des
examinateurs, qui tous se sont dégoûtés
l'un après l'autre d'être les complices des
platitudes d'un homme digne d'ailleurs de toute la
sévérité de la justice. Ce fut d'abord le
chirurgien Morand qui, après l'avoir guéri d'un
mal vénérien, cessa d'avoir commerce avec lui. A
Morand succéda le sieur Coquelet de Chaussepière,
avocat, qui rougit bientôt de ce vil métier si peu
fait pour lui. Il fut remplacé par le sieur
Rémond Sainte-Albine, connu vulgairement sous un autre
nom. On ne conçoit pas comment le sieur Rémond a
pu donner son attache aux grossièretés que
Fréron a vomies contre l'Académie dans je ne sais
quelle satire contre l'Éloge de Molière,
excellent ouvrage de M. de Chamfort . Fréron doit
rendre grâce au mépris dont il est couvert s'il
n'a pas été puni. L'Académie a
ignoré ses impertinences: si la police l'avait su, il
aurait pu faire un nouveau voyage à
Bicêtre.
Last modified: 21-Mar-00