La querelle des philosophes
 

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Voltaire contre Rousseau
 
Voici quelques textes illustrant la querelle des deux illustres philosophes
 
Lire aussi VOLTAIRE CONTRE ROUSSEAU
de Claude Rommeru,De la Nature à l'Histoire (extraits)
 
 
Aux Délices, près de Genève (30 août 1755)
 
J'ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain; je vous en
remercie; vous plairez aux hommes à qui vous dites leurs vérités, et vous ne
les corrigerez pas. Vous peignez avec des couleurs bien vraies les horreurs de
la société humaine dont l'ignorance et la faiblesse se promettent tant de
douceurs. On n'a jamais employé tant d'esprit à vouloir nous rendre Bêtes.
Il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage.
Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j'en ai perdu l'habitude, je
sens malheureusement qu'il m'est impossible de la reprendre. Et je laisse
cette allure naturelle à ceux qui en sont plus dignes, que vous et moi. Je ne
peux non plus m'embarquer pour aller trouver les sauvages du Canada,
premièrement parce que les maladies auxquelles je suis condamné me rendent un
médecin d'Europe nécessaire, secondement parce que la guerre est portée dans
ce pays-là, et que les exemples de nos nations ont rendu les sauvages presque
aussi méchants que nous. Je me borne à être un sauvage paisible dans la
solitude que j'ai choisie auprès de votre patrie où vous devriez être.
J'avoue avec vous que les belles lettres, et les sciences ont causé
quelquefois beaucoup de mal.
Les ennemis du Tasse firent de sa vie un tissu de malheurs, ceux de Galilée
le firent gémir dans les prisons à soixante et dix ans pour avoir connu le
mouvement de la terre, et ce qu'il y a de plus honteux c'est qu'ils
l'obligèrent à se rétracter.
Dès que vos amis eurent commencé le dictionnaire encyclopédique, ceux qui
osaient être leurs rivaux les traitèrent de déistes, d'athées et même de
jansénistes. Si j'osais me conter parmi ceux dont les travaux n'ont eu que la
persécution pour récompense, je vous ferais voir une troupe de misérables
acharnés à me perdre du jour que je donnai la tragédie d'"Oedipe", une
bibliothèque de calomnies ridicules imprimées contre moi, un prêtre ex-jésuite
que j'avais sauvé du dernier supplice me payant par des libelles diffamatoires
du service que je lui avais rendu; un homme plus coupable encore faisant
imprimer mon propre ouvrage du "Siècle de Louis XIV" avec des notes où la plus
crasse ignorance débite les impostures les plus effrontées, un autre qui vend
à un libraire une prétendue histoire universelle sous mon nom, et le libraire
assez avide et assez sot pour imprimer ce tissu informe de bévues, de fausses
dates, de faits, et de noms estropiés; et enfin des hommes assez lâches et
assez méchants pour m'inputer cette rapsodie. Je vous ferais voir la société
infectée de ce nouveau genre d'homme inconnu à toute l'antiquité qui ne
pouvant embrasser une profession honnête soit de laquais, soit de manoeuvre,
et sachant malheureusement lire et écrire se font courtiers de la littérature,
volent des manuscrits, les défigurent et les vendent. Je pourrais me plaindre
qu'une plaisanterie faite il y a plus de trente ans, sur le même sujet que
Chapelain eut la bêtise de traiter sérieusement, court aujourd'hui le monde
par l'infidélité et l'infâme avarice de ces malheureux qui l'ont défigurée
avec autant de sottise que de malice, et qui au bout de trente ans, vendent
partout cet ouvrage lequel certainement n'est plus mien, et qui est devenu le
leur; j'ajouterais qu'en dernier lieu on a osé fouiller dans les archives les
plus respectables et y voler une partie des mémoires que j'y avais mis en
dépôt, lorsque j'étais historiographe de France, et qu'on a vendu à un
libraire de paris le fruit de mes travaux. Je vous peindrais l'ingratitude,
l'imposture et la rapine, me poursuivant jusqu'au pied des Alpes, et jusques
au bord de mon tombeau.
Mais, Monsieur, avouez aussi que ces épines attachées à la litterature et à
la réputation ne sont que des fleurs en comparaison des autres maux qui de
tout temps ont innondé la terre. Avouez que ni Cicéron ni Lucrèce, ni Virgile
ni Horace ne furent les auteurs des proscriptions de Marius, de Sylla, de ce
débauché d'Antoine, de cet imbécile Lépide, de ce tyran sans courage Octave
Cépias surnommé si lâchement Auguste.
Avouez que le badinage de Marot n'a pas produit la Saint-Barthélémy, et que
la tragédie du "Cid" ne causa pas les guerres de la Fronde. Les grands crimes
n'ont été commis que par de célèbres ignorants. Ce qui fait et ce qui fera
toujours de ce monde une vallée de larmes c'est l'insatiable cupidité et
l'indomptable orgueil des hommes, depuis Thamas Couli Can, qui ne savait pas
lire, jusqu'à un commis de la douane qui ne sait que chiffrer. Les lettres
nourrissent l'âme, la rectifient, la consolent; et elles font même votre
gloire dans le temps que vous écrivez contre elles. Vous êtes comme Achille
qui s'emporte contre la gloire, et comme le père Malebranche dont
l'imagination brillante écrivait contre l'imagination.
Monsieur Chapui m'apprend que votre santé est bien mauvaise. Il faudrait la
venir rétablir dans l'air natal, jouir de la liberté, boire avec moi du lait
de nos vaches, et brouter nos herbes. Je suis très philosophiquement, et avec
la plus tendre estime, Monsieur,
Votre très humble et trés obéissant serviteur
Voltaire
"Lettre de Voltaire à Jean-Jacques Rousseau"
 
 
 
 
A Paris, le 7 7bre 1755
C'est à moi, Monsieur, de vous remercier à tous égards. En vous offrant
l'ébauche de mes tristes rêveries, je n'ai point cru vous faire un présent
digne de vous, mais m'acquitter d'un devoir et vous rendre un hommage que nous
devons tous comme à notre Chef. Sensible d'ailleurs à l'honneur que vous
faites à ma patrie, je partage la reconnaissance de mes concitoyens, et
j'espère qu'elle ne fera qu'augmenter encore lorsqu'ils auront profité des...
 
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Last modified: 21-Mar-00