Recueil de textes pour le cours de
Linguistique et enseignement du FLE
(Option A)

1
Enfants, oyez une leçon:
Nostre langue a ceste façon,
Que le terme qui va devant
Voluntiers regist le suyvant. […]
ll faut dire en termes parfaits:
Dieu en ce monde nous a faits;
Faut dire en paroles parfaites:
Dieu en ce monde les a faites;
Et ne faut point dire en effet:
Dieu en ce monde les a fait;
Ne nous a fait pareillement,
Mais nous a faits, tout rondement.
Clément Marot, "Oeuvres", Epigramme ClX
 
2
Chère grammaire, belle grammaire, délicieuse grammaire, fille, épouse, mère, maîtresse et gagne-pain des professeurs! Tous les jours, je te trouve des charmes nouveaux! Il n'y a rien dont je ne sois capable pour toi!
Paul Claudel, "Le Soulier de satin"
 
3
Quand sait-on la grammaire? A quel âge sait-on la grammaire? Combien d'années faut-il pour savoir la grammaire? On ne saura jamais la grammaire. On meurt sans savoir la grammaire. Dans les bras d'une faute de syntaxe. Tant pis pour elle. Et pourtant, la grammaire… la grammaire comment dire? C'est comme le parapluie, c'est comme les progrès de l'industrie, c'est ce qu'on appelle la civilisation. Il faut y croire; malgré les apparences. Où serait le plaisir? Mais c'est comme l'horizon: elle recule à mesure qu'on avance. On y tend, on n'y touche jamais. La grammaire c'est une asymptote.
A. Vialatte, Et c'est ainsi qu'Allah est grand, Julliard, 1978
 
4
Quelle que soit la méthode adoptée, redéfinition ou création, il faut se convaincre qu'un mot ne peut avoir de valeur scientifique que par stipulation. L'expérience montre que les esprits de formation plus philosophique ou littéraire que scientifique, ont beaucoup de peine à se convaincre du caractère licite des stipulations de ce type. Elles leur paraissent constituer une pétition de principe, c'est-à-dire un raisonnement qui consiste à tenir pour vrai ce qui fait l'objet même de la question. Il leur manque évidemment la notion d'une vérité relative qui n'a de sens que dans le cadre d'une pertinence définie: selon la pertinence phonologique ou distinctive, le i de ira est « le même » que celui de parti, mais selon la pertinence significative, il est identique à va et à all- dans allons. Stipuler, comme nous le ferons ci-dessous, qu'une langue ou qu'une phrase est ceci ou cela, ne veut pas dire qu'il existe, à titre de réalité perceptible ou dans l'absolu, des objets qui correspondent nécessairement, totalement et exclusivement, aux désignations « langue » ou « phrase », mais que, par convention avec nos lecteurs ou nos auditeurs, nous nous abstiendrons d'utiliser les termes en cause là où ne figurent pas les traits que nous retenons. Nous savons, bien sûr, que notre stipulation n'a de chances d'être acceptée que si elle aboutit à faire couvrir, au terme choisi, sensiblement les mêmes réalités perçues que dans l'usage courant, mais en excluant toute extension analogique ou métaphorique; nous choisissons naturellement le terme en conséquence.
La pertinence retenue initialement pour l'étude de l'objet qu'est le langage humain est la pertinence communicative. Ici encore, il s'agit d'une stipulation dont la justification s'impose lorsqu'on examine comment les langues fonctionnent et comment elles changent pour s'adapter à la variété des besoins communicatifs des communautés humaines. Mais nous l'avons vu ci-dessus, une pertinence générale n'exclut nullement des pertinences particulières, et la pertinence communicative du langage s'articule en pertinence phonologique ou distinctive et en pertinence significative. Cette dernière distinction a longtemps été ignorée: dans un premier temps, une vision idéaliste des faits ne permettait pas de prendre conscience du caractère proprement linguistique de l'articulation phonématique: tout ce qui touchait aux sons de la parole était l'objet d'une discipline distincte, la phonétique. Ultérieurement et par réaction, chez des linguistes d'Outre-Atlantique, c'était la pertinence significative dont on faisait volontiers l'économie. En Europe, sous l'influence de Saussure, la notion d'un signe linguistique, union indissociable de deux réalités données comme psychiques, le signifié et le signifiant, a retardé la prise de conscience du fait, pourtant évident, que le signifiant, manifeste, est là pour manifester un signifié non manifeste, pour donner de ce signifié une représentation en principe distincte de celle des autres signifiés de la langue, et que le rôle distinctif de ce signifiant est, en quelque sorte, délégué à ses composants successifs, les phonèmes. Pour prendre conscience de la spécificité de la structure d'une langue particulière, il convient donc de dégager en priorité les unités distinctives de base, les phonèmes. Ceux-ci permettant de faire correspondre, à chaque signifié, une forme perceptible assurant son identité, il ne reste plus qu'à préciser comment les signes peuvent se combiner pour communiquer l'expérience et à quel aspect de l'expérience correspond chacun d'eux. Une fois établi le système des unités distinctives assurant l'identité du signe, on doit donc pouvoir passer directement à ce que, de façon lâche, on désigne comme la syntaxe et la sémantique.
André Martinet, Syntaxe générale, p.9-10
 
 
  
 

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Last modified: 21-Mar-00