Textes divers en rapport avec
Voltaire et les Lumières
 
[Dieu] connaît la sagesse humaine, toujours courte par quelque endroit; il
l'éclaire, il étend ses vues, et puis il l'abandonne à ses ignorances: il
l'aveugle, il la précipite, il la confond par elle-même: elle s'enveloppe,
elle s'embarrasse dans ses propres subtilités, et ses précautions lui sont un
piège. Dieu exerce par ce moyen ses redoutables jugements, selon les règles de
sa justice toujours infaillible. C'est lui qui prépare les effets dans les
causes les plus éloignées, et qui frappe ces grands coups dont le contre-coup
porte si loin. [...]
C'est ainsi que Dieu règne sur tous les peuples. Ne parlons plus de hasard
ni de fortune, ou parlons-en seulement comme d'un nom dont nous couvrons notre
ignorance. Ce qui est hasard à l'égard de nos conseils incertains est un
dessein concerté dans un conseil plus haut, c'est à dire dans ce conseil
éternel qui renferme toutes les causes et tous les effets dans un même ordre.
De cette sorte, tout concourt à la même fin; et c'est faute d'entendre le tout
que nous trouvons du hasard ou de l'irrégularité dans les rencontres
particulières.[...]
En un mot, il n'y a point de puissance humaine qui ne serve malgré elle à
d'autres desseins que les siens. Dieu seul sait tout réduire à sa volonté.
C'est pourquoi tout est surprenant, à ne regarder que les causes
particulières, et néanmoins tout s'avance avec une suite réglée.
Bossuet, "Discours sur l'Histoire universelle" (1681)
 
Les plus grandes idées de la divinité nous viennent par la raison seule.
Voyez le spectacle de la nature, écoutez la voix intérieure: Dieu n'a-t-il pas
tout dit à nos yeux, à notre conscience, à notre jugement? Qu'est-ce que les
hommes nous diront de plus? Leurs révélations ne font que dégrader Dieu, en
lui donnant les passions humaines. Loin d'éclaircir les notions du grand Etre,
je vois que les dogmes particuliers les embrouillent; que loin de les
ennoblir, ils les avilissent; qu'aux mystères inconcevales qui l'environnent,
ils ajoutent des contradictions absurdes; qu'ils rendent l'homme orgueilleux,
intolérant, cruel; qu'au lieu d'établir la paix sur la terre, ils y portent le
fer et le feu. Je me demande à quoi bon tout cela sans savoir me répondre. Je
n'y vois que les crimes des hommes et les misères du genre humain.
On me dit qu'il fallait une révélation pour apprendre aux hommes la manière
dont Dieu voulait être servi; on assigne en preuve la diversité des cultes
bizarres qu'ils ont institués, et l'on ne voit pas que cette diversité même
vient de la fantaisie des révélations. Dès que les peuples se sont avisés de
faire parler Dieu, chacun l'a fait parler à sa mode et lui a fait dire ce
qu'il a voulu. Si l'on n'eût écouté que ce que Dieu dit au coeur de l'homme,
il n'y aurait jamais eu qu'une religion sur la terre.
Rousseau, "L'Emile" (Livre IV: "Profession de foi du vicaire savoyard")
(1762)
 
 
 

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Last modified: 21-Mar-00