ORTHOÉPIE ET INTERFÉRENCE
EN FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE
 
 
Fernando Martinho
(Departamento de Línguas - Universidade de Aveiro)
1993
 
Copyright
 
 
0.Introduction
 
 
1.Les matériaux phoniques
1.1.Transcription phonétique du français
1.2.Transcription phonétique du portugais
 
 
2.Description articulatoire comparée
2.1.Le système vocalique
2.2.Le système consonantique
2.3.Inventaire comparé
2.4.Un exemple d'interférence phonétique: les voyelles fondamentales
 
 
3.Interférences phonologiques
3.1.La chaîne parlée
3.2.Fréquences d'emploi
3.3.Distribution comparée
3.4.Habitudes syllabiques
3.5.Distribution des voyelles à double timbre
 
 
4.Conclusion
4.1.Interférences et enseignement du français
4.2.La place du français parlé en FLE
4.3.[bR] ou [bR] ? Le problème de la norme en FLE
4.4.Le français parlé à l'Université.
 
 
Bibliographie
 
 
 Les notes sont en fin d'article
 
 
 
INTRODUCTION
 
 
 
1.L'étude et la prise en compte du français parlé a connu, de la part des enseignants de Français Langue Étrangère (FLE), un intérêt croissant. Cet intérêt coincide avec un virage dans la tradition grammaticale qui avait toujours privilégié les données de l'écrit en tant qu'objet de description et d'enseignement.
On ne peut nier que le français parlé soit un objet d'enseignement important en FLE. Cependant, le fait que certaines études portant sur la situation du code oral aient pu partir du principe que la langue parlée relève du populaire, du familier (1), qu'il est donc hétérogène, qu'il se prête difficilement à une description systématique, parce qu'il est propice à des perturbations inclassables (hésitations, répétitions, ruptures de ton, etc), implique qu'il ait souvent été, en vue de la pratique du FLE, considéré comme non-passible d'être décrit, en opposition claire au français écrit, qui, lui, apparaît comme objet de la grammaire.
L'expression "langue française" désignant indifféremment le français parlé et le français écrit, nous serions d'ailleurs condamnés et nous condamnerions nos élèves à faire abstraction des divergences qui séparent ces deux codes.
Une telle vision est bien entendu fondée sur le préjugé d'une opposition définitive entre oral et écrit (2) et ne résiste pas à l'analyse: le code oral, en apparence hétérogène et ennemi de la classification, révèle cependant un caractère systématique prononcé et susceptible d'être enseigné.
Les conditions physiques et matérielles de l'acquisition de la langue étrangère (approche articulatoire et/ou distinctive, élocution, correction phonétique, entraìnement prosidique et intonatif, etc) sont elles-aussi l'objet de préjugés dans le domaine de l'enseignement de la langue. La plupart des enseignants semblent partir du principe que ces conditions matérielles ne comptent pas vraiment, ou, au mieux, ne comptent pas en face des impératifs de la grammaire. On peut cependant se demander si la connaissance et la maîtrise de la "substance de l'air" (M.Arrivé) n'est pas au moins aussi urgente que celle de la "substance de l'encre".
C'est ainsi que le corpus réuni par certains chercheurs sur le français parlé (A. Martinet, J. Dubois, C. Blanche-Benvéniste, P. Léon, H. Walter, F.et D. François, E. Companys, M. Csécsy, N. Catach, Straka, etc) a permis, au cours des années, de corriger certaines des lacunes d'une approche pédagogique limitée au code écrit (3) L'entreprise d'élaboration d'une description systématique du français parlé et écrit est une des voies les plus productives de la linguistique française (4), caractérisée par une tendance consistant à refuser la dichotomie oral/écrit, et à considérer une grammaire du français tout court (5).
Le présent travail prétend essentiellement faire le point sur le travail d'enseignement de la prononciation en FLE, en particulier à des étudiants lusophones, dont la formation est elle même orientée vers l'activité lective. Nous laisserons ainsi de côté les problèmes posés par ce que l'on a appelé ailleurs la "syntaxe du français parlé" (C. Blanche-Benvéniste), pour nous tourner précisément du côté de la substance de l'air, des conditions de l'enseignement de la phonétique en classe de FLE.
 
 
2.En FLE, l'intégration de la composante orale dans la description grammaticale doit se faire avec des précautions particulières. En effet, les conditions spécifiques que suppose l'enseignement du français parlé à des étrangers, en particulier à des Portugais, nous obligent à redéfinir la place à attribuer à la phonétique et à la phonologie françaises en FLE.
Quelles difficultés se posent à un enseignement systématique et programmé du code oral, singulièrement d'un code oral étranger? La principale vient sans doute de l'exigence de rigueur requise par toute transcription. En effet, l'auditeur et le locuteur, en FLE, sont constamment soumis, lors de leur travail, à certains facteurs de blocage ou d'interférence. L'auditeur (l'élève), par exemple, est victime de phénomènes relatifs à la segmentation des mots et des énoncés, à l'anticipation ou au rétablissement de certains éléments absents, ou tout simplement à des confusions acoustiques. Par ailleurs, sur le plan de la compréhension, l'enseignant sait que certains de ces blocages sont annulés par le respect et la connaissance de certaines habitudes intonatives et phonosyntaxiques du français. Ainsi, par exemple, lorsque un non-francophone parle français devant des francophones, ces derniers le comprendront d'autant mieux qu'il appliquera les "moules syntaxico-intonatifs" (6) habituel du français, et cela même si des imperfections articulatoires se glissent dans sa production (comme le /i/ pour /y/ ou /nj/ pour //) .
Inconsciemment (?) donc, l'auditeur joue avec la probabilité de l'occurrence d'éléments que lui-même produit dans sa langue maternelle (7), ou qu'il estime (8) produits par le locuteur (ici le professeur, ou un locuteur "transposé", comme une bande magnétique).
Du point de vue de la perception, ces "hallucinations auditives" (9) peuvent aller jusqu'à induire l'élève à entendre et écrire (le danger est là) quelque chose que le locuteur n'a jamais prononcé. Tout se passe en fait comme si le système phonologique de l'élève, celui qu'il tient de sa langue (langue-source), interposait des barrières à une perception acceptable de la langue-cible. Pourtant, pour avoir accès aux micro-systèmes grammaticaux caractéristiques du français parlé, et dont seule l'étude détaillée permet de bien posséder la langue dans son ensemble, il est indispensable à l'élève étranger de posséder une connaissance objective des caractéristiques articulatoires du français.
Dans le cas du FLE enseigné à des Portugais, les problèmes de prononciation rencontrés tendent à être le reflet des caractéristiques phonétiques et phonologiques du portugais, principalement les interférences dans l'articulation et la perception des voyelles.
 
 
 
 

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Last modified: 21-Mar-00