Au sujet de ses Contes...
 
Au comte d'Argental, le 12 septembre 1748
Vous parlez de "Zadig" comme si j'y avais part; mais pourquoi moi? je ne
veux rien avoir à démêler avec les romans.[...]
 
 
 
Au comte d'Argental, le 10 octobre 1748
[...]Je serais très fâché de passer pour l'auteur de "Zadig", qu'on veut
décrier par les interprétations les plus odieuses, et qu'on ose accuser de
contenir des dogmmes téméraires contre notre sainte religion. Voyez quelle
apparence! Mademoiselle Quinault ne cesse de dire que j'en suis l'auteur.
Comme elle n'y voit rien de mal, elle le dit sans croire me nuire; mais les
coquins, qui veulent y voir du mal, en abusent. Ne pourriez-vous pas étendre
vos ailes d'ange gardien jusque sur le bout de la langue de Madenoiselle
Quinault, et lui faire dire que ces bruits sont capables de me porter un très
grand préjudice?
 
 
 
"Dieu me garde d'avoir la moindre part dans cet ouvrage [Candide] "
Lettre à Thiériot, 10/03/1759
 
 
 
"Qui sont ces oisifs qui m'imputent je ne sais quel "Candide", qui est une
plaisanterie d'écolier, et qu'on m'envoie de Paris? J'ai vraiment bien autre
chose à faire."
Lettre à Vernes, mars 1759
 
 
 
"J'ai lu enfin, mon cher marquis, ce "Candide" dont vous m'avez parlé; et
plus il m'a fait rire, plus je suis fâché qu'on me l'attribue."
Lettre au marquis de Thibouville, 15/03/1759
 
 
 
"Messieurs,
Vous dites dans votre journal du mois de mars qu'une espèce de petit roman
intitulé "de l'Optimisme" ou "Candide" est attribué à un "nommé" M. de V... Je
ne sais de quel M. de V... vous voulez parler; mais je vous déclare que ce
petit livre est de mon frère M. Démad, actuellement capitaine dans le régiment
de Brunswick[...] J'ai l'honneur de vous informer que mon frère le capitaine,
[...] est un très bon chrétien, qui en s'amusant à composer le roman de
"Candide" dans son quartier d'hiver a eu principalement en vue de convertir
les sociniens. Ces hérétiques ne se contentent pas de nier hautement la
Trinité et les peines éternelles, ils disent que Dieu a fait nécessairement de
notre monde le meilleur des mondes possibles, et que tout est bien. Cette idée
est manifestement contraire à la doctrine du péché originel.[...] Les
sociniens affectent d'exalter la Providence, et ils ne voient pas que nous
sommes des coupables tourmentés, qui devons avouer nos fautes et notre
punition. Que ces hérétiques se gardent bien de paraître devant mon frère le
capitaine: il leur ferait voir si tout est bien."
Lettre de Voltaire au Journal Encyclopédique, 1/04/1759
 
 
 
"J'ai lu enfin "Candide"; il faut avoir perdu le sens pour m'attribuer cette
coÍonnerie; j'ai, Dieu merci, de meilleures occupations. Si je pouvais excuser
jamais l'Inquisition, je pardonnerais aux Inquisiteurs du Portugal d'avoir
pendu le raisonneur Pangloss pour avoir soutenu l'optimisme. En effet cet
optimisme détruit visiblement les fondements de notre sainte religion; il mène
à la fatalité; il fait regarder la chute de l'homme comme une fable, et la
malédiction prononcée par Dieu même contre la terre comme vaine. C'est le
sentiment de toutes les personnes religieuses: elles regardent l'optimisme
comme une impiété affreuse. Pour moi qui suis plus modéré, je ferais grâce à
cet optimisme, pourvu que ceux qui soutiennent ce système ajoutassent qu'ils
croient que Dieu, dans une autre vie, nous donnera, selon sa miséricorde, le
bien dont il prive en ce monde selon sa justice. C'est l'éternité à venir qui
fait l'optimisme, et non le moment présent."
Lettre de Voltaire à Thiériot, 15/3/1759.
 

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